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Dans le budget fédéral 20251 , le gouvernement canadien a confirmé qu'il avait l'intention de mettre en Suvre des mesures relatives à la non-conformité des demandes de renseignements qui sont prévues dans les propositions législatives d'août 20252 .
L'une des principales mesures est une modification de la Loi de l'impôt sur le revenu qui, si elle est adoptée, donnera à l'Agence du revenu du Canada (« ARC ») un nouvel outil efficace – l'avis de non-conformité (« ANC ») – pour obliger les contribuables à fournir des renseignements et des documents, et pour se donner plus de temps pour effectuer des vérifications.
L'article 231.9 proposé
Le ministère des Finances a d'abord proposé l'ANC dans le budget 2024, puis, après avoir reçu des commentaires et des rétroactions du public, a réitéré la proposition en y apportant des modifications mineures dans le projet de loi 2025. Grâce au nouvel outil, prévu à l'article 231.9, l'ARC peut émettre un ANC « à tout moment » si elle détermine qu'une personne n'a pas respecté « en totalité ou en partie » certaines demandes de renseignements de l'ARC3 .
Comme il est indiqué ci-dessous, les principales caractéristiques de l'ANC sont les suivantes :
- il est discrétionnaire et peut être émis par le ministre « s'il détermine » que le contribuable ne s'est pas entièrement conformé à une exigence de fournir des renseignements ou des documents;
- il suspend la période normale de nouvelle cotisation relativement à toutes les questions et à toutes les parties ayant un lien de dépendance jusqu'à ce que le ministre « soit convaincu » de la fourniture des renseignements;
- il est assorti d'une pénalité automatique de 50 $ par jour jusqu'à concurrence de 25 000 $.
L'ANC est discrétionnaire
L'une des principales caractéristiques de l'ANC est que le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'émettre un ANC « s'il estime » que le contribuable ne s'est pas entièrement conformé à une obligation de fournir des renseignements ou des documents, et qu'il peut le faire sans ordonnance de la Cour.
Actuellement, le ministre doit demander une ordonnance exécutoire à la Cour fédérale et un juge doit être convaincu que les exigences de l'article 231.7 sont remplies pour contraindre à un contribuable de produire des renseignements ou des documents. Le ministre doit aviser le contribuable lorsqu'il demandera une ordonnance exécutoire à la Cour fédérale4 . Lorsque l'ARC demande une ordonnance exécutoire, la période normale de nouvelle cotisation est suspendue du jour où le contribuable dépose un avis de comparution jusqu'au jour où la demande soit décidée5 .
En revanche, l'ARC peut envoyer un ANC « à tout moment » s'il détermine que les exigences de l'article 231.9 sont remplies. Même une non-conformité partielle peut entraîner l'émission d'un ANC6 .
Un contribuable peut contester l'émission d'un ANC en demandant au ministre une révision de deuxième niveau par application du paragraphe 231.9(4) proposé. Le ministre dispose alors de 180 jours pour déterminer si l'ANC a été émis de façon « raisonnable ». Dans l'affirmative, le contribuable peut alors demander le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 231.9(8). La Cour fédérale révisera la décision d'émettre un ANC selon la norme de contrôle de la décision raisonnable, une norme de déférence difficile à surmonter pour les contribuables.
Exemple 1 : Le contribuable est visé par une vérification nationale portant sur la déductibilité des intérêts d'un prêt. L'ARC demande le document de prêt, la preuve des paiements d'intérêts et l'objectif du prêt. Le contribuable fournit le document de prêt et la preuve des paiements d'intérêts, mais n'explique pas l'objectif du prêt (même s'il est évident d'après le document de prêt). L'ARC peut émettre un ANC.
L'ANC suspend la période normale de nouvelle cotisation
Une fois que l'ANC est émis, la période normale de nouvelle cotisation est suspendue jusqu'à ce que le ministre soit satisfait que le contribuable s'est conformé à la demande. Cela signifie que le ministre peut désormais décider, à sa discrétion et sans contrôle judiciaire, de suspendre ou non la période normale de nouvelle cotisation.
Si, par suite d'un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, un juge détermine que l'ANC a été délivré de manière déraisonnable et annule l'ANC, l'article 231.8(f) proposé prévoit que la période normale de nouvelle cotisation demeure suspendue entre le jour où le contribuable a demandé un pourvoi en contrôle judiciaire et le jour où le pourvoi est définitivement réglée 7 .
Autrement dit, si un contribuable réussit à prouver à la Cour que l'ANC a été émis de manière déraisonnable, la période normale de nouvelle cotisation demeure suspendue.
En particulier, la période normale de nouvelle cotisation serait prolongée pour toute question, et pas seulement pour la question relative à l'ANC. La période normale de nouvelle cotisation est également suspendue pour toutes les parties ayant un lien de dépendance8 . Autrement dit, si un ANC est émis à une partie dans le cadre d'une vérification de la TPS/TVH, la période normale de nouvelle cotisation sera suspendue pour une partie liée visée, par exemple, par une vérification relative aux prix de transfert par application de la législation sur l'impôt sur le revenu, même s'il n'y a pas de lien entre les deux.
Exemple 2 : Suite de l'exemple 1 – l'ARC émet un avis de non-conformité. La période normale de nouvelle cotisation est suspendue jusqu'à ce que le contribuable fournisse des renseignements sur l'objectif du prêt. La suspension s'applique à la vérification nationale, mais aussi à toute autre question, y compris les vérifications internationales ou les vérifications relative aux prix de transfert, même si l'ANC n'est pas lié à cette vérification.
L'ANC est assorti d'une pénalité
L'ANC est assorti d'une pénalité de 50 $ pour chaque jour où l'ANC demeure « en vigueur », jusqu'à concurrence de 25 000 $9 . L'ANC est en vigueur à compter du jour où il est signifié ou envoyé à une personne jusqu'au jour où la personne s'est conformée, à la satisfaction de l'ARC ou qu'elle « a fait tout ce qui est raisonnablement nécessaire pour se conformer10 ». Il est donc possible qu'un contribuable reçoive plusieurs avis de non-conformité et qu'il soit passible de plusieurs pénalités, en fonction de la multitude de demandes de renseignements de l'ARC.
La pénalité ne s'applique pas si l'une des raisons de la non-conformité était la croyance raisonnable que les renseignements, les documents ou les réponses bénéficiaient du privilège des communications entre client et avocat 11 .
La voie d'appel pour la pénalité est différente de la voie d'appel pour l'émission d'un ANC. Si une pénalité est imposée, elle peut être contestée par le biais de la procédure normale d'opposition et d'appel12 . Le contribuable devra déposer un avis d'opposition à la cotisation concernant la pénalité, puis, en cas d'échec, interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt13 .
Incidence sur les contribuables
L'ARC sera doté d'un outil efficace – l'ANC – et celui-ci limite les recours des contribuables. L'ARC peut émettre un ANC sans ordonnance judiciaire ni préavis si elle estime que les renseignements ou les documents n'ont pas été fournis de manière adéquate. Les contribuables sont confrontés à un obstacle important pour faire annuler un ANC, car ils devront prouver que la décision du ministre d'émettre l'ANC était « déraisonnable ». La législation ne prévoit aucun critère d'émission d'un ANC, et la Cour fédérale s'en remet à la décision d'un ministre de l'émettre.
L'aspect qui soulève peut-être une plus grande préoccupation est qu'au moment où un contribuable a contesté avec succès l'ANC, l'ARC a déjà prolongé la période normale de nouvelle cotisation pour toutes les questions et pour toutes les parties avec lesquelles le contribuable a un lien de dépendance. Contrairement à une renonciation, qui peut être accordée par un contribuable et adaptée à une ou plusieurs questions précises, l'ANC n'est pas limité à une question précise.
Si un contribuable est visé par un ANC et qu'il estime que celui-ci a été émis de manière déraisonnable, il pourrait être stratégiquement avantageux de contester la pénalité de l'ANC plutôt que l'émission de l'ANC. En effet, la voie d'appel pour contester la pénalité est sans doute plus rapide et plus favorable que la voie d'appel pour contester l'émission pour plusieurs raisons :
- Premièrement, les contribuables peuvent interjeter appel de la pénalité auprès de la Cour canadienne de l'impôt 90 jours après avoir déposé un avis d'opposition, alors qu'ils doivent attendre 180 jours pour obtenir une décision du ministre sur la révision d'un ANC.
- Deuxièmement, la Cour canadienne de l'impôt appliquera une norme de la décision correcte, qui est plus favorable aux contribuables que la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s'applique à un contrôle judiciaire de la décision du ministre d'émettre l'ANC14 .
- Troisièmement, comme la pénalité maximale est de 25 000 $, les règles de procédure informelle de la Cour canadienne de l'impôt devraient s'appliquer, le procès serait donc plus rapide sans communication de documents ni interrogatoire oral. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, les contribuables devront préparer une déclaration sous serment et être soumis à un contre-interrogatoire sur cette déclaration sous serment, et ce faisant, allongeant le délai avant l'audience.
Techniquement, une conclusion de la Cour canadienne de l'impôt selon laquelle la pénalité a été imposée de manière incorrecte n'invalide pas un ANC. Mais en pratique, il serait difficile pour la Cour fédérale de déterminer qu'un ANC a été émis de manière raisonnable si la Cour de l'impôt a annulé la pénalité.
Il reste à voir comment le ministre décidera d'exercer son pouvoir discrétionnaire à l'égard de ce nouvel outil si l'article 231.9 entre en vigueur dans sa forme proposée. Il importe que l'ARC établisse des lignes directrices relatives à l'émission des ANC, afin d'éviter l'application incohérente et arbitraire de ce nouveau pouvoir législatif. Si la loi est adoptée, les contribuables devront réfléchir stratégiquement à la meilleure manière d'éviter l'émission d'un ANC et à la manière de le contester s'il est émis.
Le budget fédéral 2025 laisse entrevoir la possibilité que les propositions d'août 2025 fassent de nouveau l'objet d'une révision, précisant l'intention d'aller de l'avant avec les mesures proposées « dans leur version modifiée afin de tenir compte des consultations et des délibérations qui ont eu lieu depuis leur publication ».
Footnotes
1 Ministère des Finances Canada, Un Canada fort : Budget 2025 (le 4 novembre 2025), en ligne : https://budget.canada.ca/2025/report-rapport/toc-tdm-fr.html.
2 Ministère des Finances, Propositions législatives relatives à la Loi de l'impôt sur le revenu, au Règlement de l'impôt sur le revenu, et à la Loi sur l'impôt minimum mondial et notes explicatives (août 2025), en ligne : https://fin.canada.ca/drleg-apl/2025/ita-lir-0825-fra.html.
3 Il s'agit notamment de l'obligation prévue à l'alinéa 231.1(1)d) ou à l'alinéa 231.1(1)f), de l'obligation prévue à l'alinéa 231.1(1)e) de fournir à une personne autorisée toute l'aide raisonnable qui lui est nécessaire pour accomplir ce dont elle est autorisée à accomplir conformément aux alinéas 231.1(1)a) à c) ou d'un avis envoyé ou signifié par application des paragraphes 231.2(1) ou 231.6(2).
4 Paragraphe 231.7(2).
5 Alinéa 231.8(1)b).
6 Le paragraphe 231.9(1) prévoit que l'ARC peut envoyer un ANC si elle « détermine que la personne n'a pas respecté en totalité ou en partie ».
7 Alinéas 231.8(1)e) et 231.8(1)f).
8 Alinéa 231.8(1)e).
9 Paragraphe 231.9(12).
10 Paragraphe 231.9(11).
11 Paragraphe 231.9(13).
12 Le paragraphe 231.9(14) prévoit que « les dispositions des sections I et J s'appliquent à la cotisation, avec les adaptations nécessaires, comme si elle avait été établie en application de l'article 152 ».
13 Paragraphes 165(1) et 169(1).
14 Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.
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