Autant en milieu provincial qu'en milieu fédéral, il est coutume pour nombreux employeurs de s'entendre avec des employés congédiés ou licenciés sur le versement d'une indemnité de fin d'emploi bonifiée, ou encore sur l'octroi de conditions de fin d'emploi avantageuses, en contrepartie de la signature d'une quittance en faveur de l'employeur.
Ces ententes de transaction et quittance peuvent être avantageuses pour toutes les parties impliquées, notamment en leur permettant d'éviter les délais et les frais associés au processus judiciaire. Par le fait même, ces ententes contribuent à désengorger les tribunaux et participent directement à l'accessibilité à la justice.
Or, depuis 2020, une certaine jurisprudence remet en question la valeur de telles ententes en droit fédéral, lorsqu'elles sont conclues avant le dépôt d'une plainte pour congédiement injuste. Les employeurs sous juridiction fédérale devraient ainsi être bien au fait des plus récents développements à cet égard.
La situation antérieure à 2020
Avant 2020, il était largement admis que les ententes de quittance signées avant le dépôt d'une plainte pour congédiement injuste pouvaient constituer une défense solide pour les employeurs sous juridiction fédérale.
En effet, en grande majorité, les arbitres saisis de plaintes de congédiement déclinaient compétence en présence d'une transaction et quittance signée entre les parties, peu importe le moment de la survenance de cette entente après la fin d'emploi.
Or, la Cour d'appel fédérale a bouleversé cette perception en 2020, statuant que les dispositions du Code canadien du travail1 empêchaient un employeur d'invoquer une transaction et quittance intervenue avant le dépôt d'une plainte pour en contester le bienfondé. La Cour avait alors invoqué particulièrement l'article 168 qui indique que les dispositions du Code l'emportent sur tout contrat ou arrangement incompatible. Il avait ainsi été décidé que l'entente de fin d'emploi signée par l'employée juste après son congédiement ne pouvait l'empêcher de déposer une plainte pour contester sa fin d'emploi; l'entente pourrait seulement avoir une incidence au stade de l'évaluation des remèdes.
La logique de la Cour d'appel fédérale se fondait en grande partie sur le fait qu'un employé ne connait pas nécessairement ses droits de contestation au moment de sa fin d'emploi. La Cour renouait alors avec une ancienne décision qu'elle avait rendue plus de 20 ans auparavant et qui n'avait pas réellement été suivie par la suite.
La situation actuelle
En date du présent bulletin, les tribunaux ne se sont pas prononcés à nouveau sur une situation factuelle similaire où une entente de transaction et quittance serait survenue de manière contemporaine à la fin d'emploi, et ce, avant le dépôt d'une plainte pour congédiement injuste.
Néanmoins, plusieurs sentences arbitrales2 ont réitéré, explicitement ou implicitement, la distinction à faire entre les ententes signées avant et après le dépôt d'une plainte.
En ce sens, dans l'état actuel des choses, il demeure risqué pour tout employeur sous juridiction fédéral de conclure une transaction et de verser une indemnité en croyant se prémunir contre toute poursuite. Les employeurs devraient être vigilants et faire preuve de créativité s'ils veulent éviter de payer des indemnités sans réelle contrepartie.
Recommandations pratiques
Afin d'atténuer les risques, il est recommandé d'inclure des clauses explicites dans les transactions et quittances, stipulant que l'employé reconnaît ses droits de contestation en vertu de l'article 240 du Code canadien du travail et qu'il décide malgré tout d'y renoncer en pleine connaissance de cause.
En outre, afin d'éviter le paiement d'une indemnité sans réelle contrepartie, il peut être judicieux de prévoir un délai de paiement de plus de 90 jours, correspondant au délai de prescription pour le dépôt d'une plainte, tout en conditionnant le paiement à la preuve de confirmation d'absence de dépôt de plainte.
Footnotes
1 L.R.C. (1985), ch. L-2.
2 Voir notamment : Wautier et Transx ltée, 2021 QCTA 75.
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