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Comment prendre des mesures disciplinaires contre un employé qui dénonce des violations présumées à la législation en valeurs mobilières? Pas facilement, selon l'arrêt McPherson v. Global Growth Assets Inc. qui est la première décision judiciaire à examiner la portée des dispositions de protection contre les représailles de la Loi sur les valeurs mobilières1 de l'Ontario. Nous avions déjà abordé la cause d'action civile en matière de représailles dans un blogue précédent. La décision McPherson fournit des indications sur la portée des dispositions de protection contre les représailles, qui ont des incidences civiles et réglementaires.
Contexte
Le plaignant, Ian McPherson, a allégué qu'il avait été congédié par un gestionnaire de fonds d'investissement enregistré (« Global ») parce qu'il avait exprimé des inquiétudes concernant des violations à la législation en valeurs mobilières. Il a demandé des dommages-intérêts importants en vertu des dispositions de protection contre les représailles de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario.
En bref, M. McPherson s'inquiétait du fait que l'ancien PDG de la société cherchait à s'immiscer dans les activités de celle-ci en faisant intervenir davantage sa fille, même si une ordonnance antérieure de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (la « CVMO ») lui avait interdit de le faire. Global et son ancien PDG avaient de longs antécédents avec la CVMO. McPherson a fait part de ses préoccupations aux administrateurs indépendants de Global à quatre reprises. À chaque fois, il s'est heurté à une fin de non-recevoir. Il a ensuite été congédié sans cause et sans explication.
Le régime de protection des dénonciateurs prévu à la législation en valeurs mobilières
La CVMO s'attend à ce que les employeurs ne prennent pas de mesures disciplinaires, ne rétrogradent pas, ne congédient pas, ne harcèlent pas ou ne prennent pas d'autres mesures de représailles à l'encontre d'un dénonciateur qui a fait un signalement soit « [traduction] auprès de supérieurs hiérarchiques » à l'interne ou directement aux autorités de réglementation. La CVMO s'attend également à ce que les employeurs ne prennent pas de mesures, par voie d'ententes contractuelles (y compris d'ententes de confidentialité) ou autres, pour empêcher un dénonciateur de faire un signalement aux autorités de réglementation.
La Loi sur les valeurs mobilières prévoit une cause d'action civile à l'article 121.5 (1) pour les dénonciateurs qui subissent des représailles. Plus précisément :
- le dénonciateur peut intenter une action devant la Cour supérieure de justice ou déposer une plainte qui sera résolue par voie de décision arbitrale définitive;
- l'employeur a le « fardeau » de prouver qu'il n'a pas exercé de représailles contre l'employé, c'est-à-dire qu'il n'a pas pris de mesures ayant un effet négatif sur son emploi.
- Le tribunal (ou l'arbitre) peut ordonner : a) la réintégration de l'employé avec la même ancienneté qu'il aurait eue n'eût été l'atteinte; et/ou b) le paiement à l'employé du double de sa rémunération (paiements, avantages sociaux et indemnités) depuis la date de l'atteinte jusqu'à la date de l'ordonnance, avec intérêts.
Les directives de la Cour concernant les dispositions relatives aux dénonciateurs
En tant que première décision civile interprétant la portée des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières relatives aux dénonciateurs, l'arrêt McPherson fournit plusieurs conclusions importantes concernant l'article 121.5 (1).
Premièrement, la Cour a précisé que l'article 121.5 (1) sera enfreint si « [traduction] une partie quelconque» des motifs sous-jacents aux représailles a trait au fait que l'employé avait exercé une activité protégée2.
Deuxièmement, l'article 121.5 (1) protège les employés s'ils ont une « [traduction] croyance raisonnable » qu'il y a eu une atteinte à la législation en valeurs mobilières. Selon la Cour, il s'agit simplement d'une « [traduction] croyance subjective » qui est « [traduction] objectivement raisonnable » à la lumière de l'information dont dispose l'employé à ce moment-là3; en d'autres termes, le seuil est relativement bas.
Troisièmement, la Cour a rejeté l'argument selon lequel il incombait initialement à M. McPherson de démontrer qu'il s'était livré à une activité protégée et qu'il avait subi des représailles, une approche adoptée dans certaines régions des États-Unis dotées d'une législation similaire4; il incombe plutôt au défendeur d'établir qu'il n'a pas enfreint l'article 121.5 (1)5.
Quatrièmement, un dénonciateur n'a pas l'obligation de mitiger ses dommages lorsqu'il intente un recours en vertu de l'article 121.5 (1). Par conséquent, les dommages-intérêts accordés dans le cadre du recours prévu par la loi ne tiendront pas compte des revenus gagnés postérieurement au congédiement.
M. McPherson a subi des représailles et a droit à des dommages-intérêts
La Cour n'a pas eu de difficulté à conclure que des représailles avaient été exercées contre M. McPherson, en contravention avec l'article 121.5 (1) de la Loi sur les valeurs mobilières. M. McPherson avait des motifs raisonnables de croire que Global et les membres de son conseil d'administration avaient pris des mesures qui l'empêchaient de s'acquitter de ses responsabilités. Le fait que M. McPherson avait fait part de ses préoccupations a été « [traduction] la raison prédominante » de son congédiement.
Des dommages-intérêts ont été accordés à M. McPherson, correspondant au double de la rémunération qu'il aurait reçue entre la date de son congédiement et la date du jugement. Cette somme s'élève à 5 379 808,22 $, en sus des intérêts. M. McPherson n'avait pas l'obligation de mitiger ses dommages ou de tenir compte du salaire qu'il avait gagné dans un autre emploi pendant cette période.
Points clés à retenir
- La Cour dans la
décision McPherson adopte une
interprétation très large de la cause d'action
civile en matière de représailles exercées
contre un dénonciateur. Même lorsque la
décision d'un employeur est entièrement
justifiée (p. ex. un rendement insuffisant), cette
décision peut être remise en question si elle est
fondée sur une considération inappropriée de
l'activité protégée de
l'employé. Comme l'a expliqué la Cour :
- « [Traduction] Peu importe qu'une entreprise ait des raisons valables de mettre fin à l'emploi d'un employé, comme des préoccupations concernant son rendement, elle aura exercé des représailles illégales en violation de l'article 121.5 si le fait que l'employé a fait valoir des droits protégés a motivé en partie le congédiement. »6
- Un dénonciateur est protégé lorsque ses
croyances sont objectivement raisonnables et fondées sur
l'« [traduction] information dont il
dispose ». Toutefois, cela pose des problèmes
lorsqu'un employé signale à tort, mais
sincèrement, des atteintes présumées à
la législation en valeurs mobilières en se fondant
sur une information incomplète. Un tel employé
peut-il être congédié sans raison valable? La
décision de la Cour semble ne pas protéger
complètement un dénonciateur :
- « [Traduction] ... [L]e but des dispositions relatives à la protection contre les représailles est de permettre aux employés de soulever et d'essayer de soulever des préoccupations concernant des violations potentielles à la législation en valeurs mobilières de l'Ontario sans craindre de conséquences négatives pour leur emploi. L'idée sous-jacente est d'encourager les employés à signaler les violations possibles à la loi en leur offrant une certaine immunité contre les représailles de l'employeur »7.
- Il est important pour les employeurs de suivre une procédure bien définie et documentée lorsqu'ils prennent des mesures disciplinaires contre d'un employé connu pour être un dénonciateur. Le dossier contemporain doit établir que toute mesure disciplinaire imposée à un dénonciateur n'est pas directement ou indirectement liée au signalement par le dénonciateur d'une faute éventuelle. Dans l'affaire McPherson, bien que les administrateurs de Global aient témoigné que M. McPherson avait été congédié pour des raisons liées à son rendement, le dossier contemporain n'a pas appuyé leur position quant au moment ou à la justification du congédiement.
- Un employeur peut prendre des mesures défavorables à l'encontre d'un dénonciateur qui ne constituent pas nécessairement des représailles aux termes de la législation en valeurs mobilières. Dans l'affaire McPherson, la société avait présenté une demande reconventionnelle de 53,5 M$ contre M. McPherson pour diffamation et atteinte à ses intérêts économiques. Bien que la demande reconventionnelle ait été rejetée et déclarée « [traduction] avoir été intentée de mauvaise foi », la Cour a estimé qu'il ne s'agissait pas de représailles au sens de la législation en valeurs mobilières, car la demande reconventionnelle était postérieure au congédiement.
- Les émetteurs inscrits doivent prendre en compte de manière stratégique les incidences civiles et réglementaires des allégations de représailles. Bien que le litige civil de M. McPherson contre Global et ses administrateurs ait fait l'objet d'un procès civil sans procédure d'exécution parallèle de la part de la CVMO, il est toujours possible qu'une telle procédure soit entamée. Les conclusions factuelles de la Cour pourraient également fonder des violations à la législation en valeurs mobilières à l'encontre de Global et de ses administrateurs indépendants.
Footnotes
1. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226.
2. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226, au par. 108.
3. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226, au par. 114.
4. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226, au par. 117.
5. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226, au par. 123.
6. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226, au par. 410 (nos soulignements).
7. McPherson v. Global Growth Assets Inc., 2025 ONSC 5226, au par. 76 (nos soulignements).
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