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Que se passe-t-il lorsqu'un gouvernement sollicite des investissements par une promesse de règles simples et prévisibles, mais qu'il les réécrit en cours de jeu?
La décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario dans l'affaire Quadrangle c. Le procureur général du Canada1 (« Quadrangle ») détaille les conséquences de telles manSuvres en droit canadien. Lorsqu'elle est examiné en comparaison avec l'arbitrage Global Telecom Holding c. le Canada2 (« GTH c. le Canada ») découlant des mesures connexes prises par les autorités canadiennes, elle met également en lumière le type de comportement d'autorités de réglementation qui peut être traité par les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États prévus par le droit international. En même temps, la comparaison de ces deux affaires connexes renforce le rôle essentiel des conclusions factuelles dans l'issue des litiges.
La décision Quadrangle
En 2008, Mobilicity, soutenue par Quadrangle et Obelysk, est entrée sur le marché canadien du sans fil, en acquérant des licences de spectre pour services mobiles lors d'une mise aux enchères organisée par le gouvernement fédéral. Le gouvernement s'efforçait ouvertement et activement d'attirer de nouveaux venus sur le marché canadien du sans fil et a organisé la mise aux enchères en conséquence. Mobilicity a obtenu des licences « du spectre réservé », qui ne pouvaient pas être transférées à une entreprise de services sans fil titulaire (Rogers, Bell ou TELUS) pendant cinq ans. Le gouvernement a déclaré qu'à l'expiration du moratoire, Mobilicity serait libre de transférer ses licences à des cessionnaires admissibles (définis par des critères particuliers), ce qui lui offrirait une stratégie de sortie si l'entreprise échouait..
Toutefois, lorsque le moratoire a pris fin en 2013, le gouvernement fédéral a introduit un nouveau cadre sur le transfert des licences de spectre (le « cadre sur le transfert de 2013 ») qui interdisait à Mobilicity de transférer ses licences à une entreprise titulaire et introduisait des critères supplémentaires à prendre en compte avant qu'une licence puisse être transférée. Le gouvernement a ensuite rejeté la proposition de vente de licences de Mobilicity à TELUS, tout en dissuadant les entreprises titulaires d'obtenir les licences de Mobilicity. Mobilicity a fini par être rachetée par Rogers, mais seulement après que le gouvernement ait stipulé que certaines de ses licences devaient d'abord être transférées à un autre entreprise q opérateur non historique.
La question centrale dans l'affaire Quadrangle était de savoir si le gouvernement avait changé les règles de manière inadmissible après avoir incité Mobilicity et ses partenaires à investir sur le fondement de déclarations concernant sa capacité éventuelle à céder ses licences3.
La Cour a estimé que l'imposition du cadre sur le transfert de 2013 remplaçait des normes claires et objectives, y compris la possibilité de transférer les licences à des titulaires après cinq ans, par des critères subjectifs et discrétionnaires difficiles à interpréter ou à appliquer4. Ces nouveaux critères étaient si vagues et discrétionnaires que même les intervenants expérimentés et les organismes de réglementation du secteur « [traduction] ne comprenaient pas ce qu'ils signifiaient » et « [traduction] n'avaient aucune idée de la manière d'évaluer s'ils s'y conformaient, [et] si un bénéficiaire d'un transfert s'y conformerait »5, ce qui rendait le processus imprévisible et inaccessible. La Cour a déterminé que les règles révisées n'étaient pas conçues pour promouvoir la concurrence et favoriser les intérêts des consommateurs, comme l'avait affirmé le gouvernement6, mais avaient plutôt pour effet de favoriser les priorités du gouvernement concernant certains intervenants du marché7. Cette constatation a été confirmée par des témoignages sur les faits selon lesquels certains comportements liés aux licences de Mobilicity ne respectaient pas les règles de procédure équitable et les procédures réglementaires appropriées8.
Notant que les pouvoirs publics sont soumis à un « [traduction] obligation de diligence... pour s'assurer que [les] mesures qu'ils prennent en vertu de la réglementation ne nuisent pas déraisonnablement ou inutilement aux intérêts commerciaux [des plaignantes] », la Cour a estimé que le gouvernement avait contrevenu à sa norme de diligence et était coupable de négligence et de déclaration inexacte faite avec négligence9. Elle a accordé à Quadrangle des dommages-intérêts d'un montant de 411 352 000 $ US, tenant compte d'un taux de rendement raisonnable dans un scénario d'investissement alternatif si Quadrangle n'avait pas investi dans les licences de spectre et dans Mobilicity, moins les montants effectivement récupérés lors de l'acquisition éventuelle par Rogers10. La Cour a accordé à Obelysk 33 301 410 $ CA, moins les sommes récupérées après la vente en 2015, plus les intérêts avant jugement11. Le gouvernement a fait appel de la décision.
Global Telecom Holding v. Canada – Faits similaires, voie différente, résultat opposé
Si les faits de l'affaire Quadrangle semblent familiers, c'est parce que les modifications apportées aux règles concernant le transfert des licences de spectre pour services mobiles acquises lors de la vente aux enchères de 2008 avaient débouché sur diverses procédures intentées contre le gouvernement du Canada. Il s'agit notamment d'un arbitrage lancé en 2016 par Global Telecom Holding SAE (GTH), une société égyptienne, sur la manière dont la modification des règles avait touché Wind Mobile, une coentreprise entre GTH et un exploitant canadien, dans laquelle GTH avait investi de manière importante. La procédure d'arbitrage a été engagée en vertu du traité bilatéral d'investissement entre le Canada et l'Égypte (le « TBI Canada-Égypte »).
GTH a fait valoir (entre autres) que le Canada avait contrevenu à son obligation, en vertu du TBI Canada-Égypte, de traiter les investissements des investisseurs égyptiens de manière juste et équitable. Ces contraventions venaient, selon ce qui était soutenu, du fait que le Canada n'avait pas répondu aux attentes légitimes de GTH, à savoir que les licences de spectre seraient transférables à des titulaires après cinq ans, et que GTH avait fait l'objet d'un traitement déraisonnable et arbitraire motivé par l'objectif politique de favoriser un quatrième acteur sur le marché canadien des services sans fil12.
Étant donné que GTH et Quadrangle ont présenté leurs causes respectives dans le cadre de régimes juridiques différents, les causes d'action sous-jacentes diffèrent nécessairement. Cependant, il existait un chevauchement important entre eux. . L'une des principales raisons de ce recoupement est la similitude entre la norme de diligence alléguée dans l'affaire Quadrangle et les normes de conduite de l'État susceptibles d'être couvertes par l'obligation de traitement juste et équitable du Canada en vertu du TBI Canada-Égypte (p. ex., la protection des attentes légitimes découlant d'assurances répétées et particulières ou d'incitations actives de la part de représentants du gouvernement, les garanties d'une procédure équitable ou l'interdiction d'une conduite arbitraire ou non transparente).
Malgré ces chevauchements, ces affaires ont abouti à des conclusions et à des résultats différents. Notamment, dans l'affaire Quadrangle, la Cour a estimé que « [traduction] le gouvernement avait promis aux demanderesses que si elles investissaient dans les licences d'utilisation du spectre et se conformaient à leurs obligations [...], les licences seraient transférables » aux titulaires après le moratoire de cinq ans, et que cette assurance répétée de la part du gouvernement était au cSur de la décision d'investissement et créait des attentes claires et raisonnables13. En revanche, l'arbitrage GTH c. le Canada était centré sur la politique et les documents connexes entourant la mise aux enchères de 2008, qui indiquaient que les transferts de licences étaient toujours soumis à l'approbation du ministre, ce qui a conduit le tribunal arbitral à conclure qu'il n'y avait « [traduction] aucune preuve convaincante que le Canada avait déclaré, au moment du processus d'enchère SSFE, qu'il autoriserait inconditionnellement les nouveaux venus à transférer leurs licences du spectre réservé aux titulaires, ou que le ministre approuverait automatiquement toutes les demandes de transfert de licences du spectre réservé aux titulaires après l'expiration du moratoire de cinq ans sur les transferts »14.
Les résultats de ces affaires n'auraient peut-être pas été si différents si les conclusions factuelles du tribunal arbitral dans l'affaire GTH c. le Canada avaient été plus proches de celles de la Cour. En effet, les conclusions détaillées de la Cour selon lesquelles le contexte réglementaire est passé de clair et prévisible à vague, subjectif et inaccessible, reflètent précisément le type de comportement opaque et déraisonnable qui peut engager la responsabilité de l'État dans le cadre d'un arbitrage en matière d'investissement.
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Les résultats divergents pour les investisseurs dans la décision Quadrangle (sous réserve de l'appel en cours du gouvernement) et dans l'affaire GTH c. le Canada mettent en lumière deux considérations essentielles pour les investisseurs qui envisagent des voies de recours possibles en lien avec un éventuel comportement de l'État.
Tout d'abord, le comportement d'un État, tel que celui qui est à l'origine des affaires Quadrangle et GTH c. le Canada, peut donner lieu à un recours en vertu du droit interne ou du droit international (ou des deux). Ensuite, les investisseurs doivent soigneusement réfléchir à la voie à suivre à la lumière des faits, du droit interne applicable et du droit international pertinent, y compris les traités de protection des investissements. Les traités canadiens exigent souvent des investisseurs étrangers qu'ils renoncent à leur propre droit à des recours nationaux (mais pas nécessairement aux droits à des recours des entreprises locales touchées par les mêmes mesures) pour pouvoir recourir à l'arbitrage, de sorte que les investisseurs doivent examiner attentivement les compromis et les interactions éventuelles entre intenter un recours devant un tribunal national ou devant un tribunal arbitral international.
Dans le même ordre d'idées, ces affaires soulignent que les déclarations faites par les autorités au moment de l'investissement peuvent jouer un rôle important dans la formation des attentes des investisseurs et dans la compréhension des risques. Il est essentiel de clarifier les déclarations et les intentions précises des responsables gouvernementaux au cours du processus de décision d'investissement afin d'évaluer l'environnement juridique et commercial en matière de risques à ce moment-là. Cette clarification peut également servir de fondement à la manière dont la répartition des risques entre les parties sera comprise par une cour ou un tribunal d'arbitrage à l'avenir, en cas de différend ou de modification de la réglementation. Les parties qui participent à des projets gouvernementaux devraient examiner attentivement leurs options sur le plan juridique, en vertu du droit interne et international, et consulter un avocat qualifié.
Footnotes
1 Quadrangle v. Attorney General of Canada, 2025 ONSC 4526 [« Quadrangle »].
2 Global Telecom Holdings S.A.E. v. Canada, ICSID Case No. ARB/16/16 [« GTH c. Canada »].
3 Quadrangle, au par. 12.
4 Quadrangle, au par. 282.
5 Quadrangle, au par. 307.
6 Quadrangle, au par. 298.
7 Quadrangle, aux par. 421, 446 à 448, 455 à 462, et 472 à 475.
8 Quadrangle, aux par. 375 à 377 et 379.
9 Quadrangle, aux par. 104 et 768.
10 Quadrangle, au par. 678.
11 Quadrangle, au par. 692.
12 GTH v. Canada, aux par. 449 et 508.
13 Quadrangle, au par. 198.
14 GTH c. Canada, aux par. 540 et suivants.
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