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1 August 2025

Le démantèlement des programmes d'EDI : réponse d'une personne racisée

RT
Rubin Thomlinson LLP

Contributor

A Canadian law firm focused solely on workplace and institutional investigations, assessments, tactical training for HR professionals, and consulting.
Ma collègue Liliane Gingras a récemment publié un billet intitulé « Le démantèlement des programmes d'EDI : une réponse de juristes ».
Canada Employment and HR

Ma collègue Liliane Gingras a récemment publié un billet intitulé « Le démantèlement des programmes d'EDI : une réponse de juristes ». Dans ce billet, Liliane a fait part de ses préoccupations face aux réactions négatives et à l'opposition croissante que suscitent actuellement les programmes d'équité, de diversité et d'inclusion (« EDI »). Plus précisément, elle s'inquiète du fait que certaines personnes pourraient croire que l'absence d'un programme d'EDI en milieu de travail signifie la disparition des protections juridiques contre la discrimination, ce qui n'est pas le cas. Liliane y soulève d'importantes questions que les employeurs devraient se poser concernant leurs obligations légales. Dans ce billet, je souhaite apporter mon point de vue sur ce mouvement d'opposition à l'EDI, en tant que personne racisée.En février, nous avons souligné le Mois de l'histoire des Noirs (Black History Month). Ce moment est toujours une occasion de célébration pour les communautés Noires, où nous mettons en valeur nos accomplissements et nos contributions. Cette année, alors que je prenais part aux célébrations, je me suis retrouvée dans un état de profonde réflexion : une réflexion qui portait non seulement sur l'expérience des personnes Noires au Canada, mais aussi sur celle de l'ensemble des communautés marginalisées.

Nous vivons une époque marquée par une opposition croissante à l'égard de la notion même d'EDI en milieu de travail, et nous entendons parler de nombreuses organisations qui mettent un frein à leurs efforts en la matière. On dit que l'EDI puise ses racines dans le mouvement des droits civiques des années 1960. Toutefois, au cours des dernières années, en particulier après les mobilisations mondiales qui ont suivi le meurtre de George Floyd en 2020, le mouvement a pris une nouvelle tournure.

Bien que j'aie considéré la vague d'efforts et d'initiatives en matière d'EDI comme un pas dans la bonne direction, je me suis souvent demandé s'il s'agissait d'un véritable changement... ou simplement d'une tendance devenue virale. Malheureusement, l'émergence de l'opposition et de la résistance à l'EDI vient en partie légitimer certains de mes doutes. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille mettre toutes les organisations ayant adopté des démarches EDI dans le même panier. Plusieurs organisations ont véritablement saisi cette occasion pour faire avancer l'équité, la diversité et l'inclusion dans leur milieu de travail, et ont intégré ces principes à leur culture organisationnelle. Il n'en demeure pas moins que les réactions actuelles sont révélatrices.

Selon une étude parue en 20241, l la discrimination et les traitements injustes continuent de toucher de manière disproportionnée les groupes racisés, les peuples autochtones, les femmes, les personnes 2SLGBTIQ+, les personnes en situation de handicap et les jeunes adultes. Ces résultats ne font que confirmer ce que nous savons déjà : le problème n'a pas encore été réglé. Si le problème persiste, pourquoi donc s'opposer aux efforts continus en matière d'EDI? Doit-on comprendre: « Ce n'est pas notre problème, c'est le vôtre »? ou encore : « Nous en avons assez fait, il est temps de passer à des choses plus importantes »? Je pourrais comprendre si l'argument était : « Il faut faire autrement ou mieux, parce que ce que nous faisons actuellement n'est pas suffisamment efficace ». Ce serait un argument valable (une question qui, à elle seule, mérite son propre billet). Mais ce n'est pas le discours qu'on entend. Ma collègue Lori-Ann Green l'a très bien exprimé dans un récent billet : les personnes opposées à l'EDI semblent oublier ou ignorer « les années d'inégalités flagrantes que ces programmes cherchaient justement à combattre ». Il importe de rappeler que, pour les personnes marginalisées, les efforts en matière d'EDI représentent littéralement une lutte pour notre place dans ce monde.

À l'attention des personnes ayant rejoint le mouvement d'opposition et des organisations qui envisagent de se détourner des efforts en matière d'EDI : je vous invite à réfléchir au message que cela pourrait envoyer à vos employé·e·s, client·e·s et partenaires issu·e·s de groupes marginalisés, ainsi qu'à l'effet que cette décision pourrait avoir sur la culture de votre organisation. Comme l'a très justement écrit Liliane dans son billet : « Il sera sans doute difficile, pour une organisation, de démanteler ses initiatives en EDI tout en tentant de convaincre son personnel de l'importance de maintenir un environnement exempt de discrimination ».

Se posent alors les questions suivantes : Que devons-nous faire? Devons-nous réagir? Si oui, comment?

Je nous encourage à prendre position de manière significative, du bon côté de cette conversation. Cela implique de rester engagé·e·s dans la promotion du changement là où il est nécessaire, tout en saisissant l'occasion d'améliorer nos efforts. Voici quatre actions que les organisations peuvent poser pour faire face aux réactions négatives envers l'EDI et réellement instaurer, puis maintenir, une culture d'équité, de diversité et d'inclusion au sein de leur milieu de travail.

  1. Éviter le tokénisme

L'une des critiques les plus fréquemment formulées à l'égard des efforts en matière d'EDI au cours des dernières années est qu'ils ont essentiellement servi d'affichage symbolique, sans générer de changement réel. Résultat : ces initiatives n'ont peut-être pas suffisamment répondu aux besoins de tous les groupes qu'elles visaient à soutenir ou à inclure. Si nous souhaitons défendre la poursuite des efforts en matière d'EDI, le moment est bien choisi pour réfléchir plus en profondeur à l'impact concret des mesures mises en place. Les organisations sont invitées à mesurer, de façon intentionnelle et rigoureuse, l'effet réel (s'il y en a eu un) des initiatives sur les communautés marginalisées présentes dans leur environnement. Une évaluation du milieu organisationnel peut s'avérer un outil précieux pour recueillir des données pertinentes sur l'efficacité des démarches entreprises jusqu'à présent. En effet, cet outil permet aux organisations d'entendre directement les personnes concernées, et de solliciter leur rétroaction sur ce qui pourrait être fait autrement.

Une étape complémentaire consiste à examiner de manière continue les politiques, pratiques et procédures internes, afin de déterminer si elles ont un effet défavorable sur un ou plusieurs groupes marginalisés. Ce type de révision devrait faire partie intégrante du fonctionnement de l'organisation : le besoin d'un tel examen n'est jamais dépassé.

  1. Faire de la responsabilisation une priorité

Dans un contexte de recul de l'EDI, on court le risque de voir certaines personnes se sentir davantage légitimées à adopter des comportements irrespectueux ou contraires aux lois sur les droits de la personne. Il est donc essentiel que les employeurs priorisent la responsabilisation et démontrent, sans équivoque, leur intolérance envers ce type de comportement. Cela passe notamment par des politiques internes qui reflètent clairement la position de l'organisation, par la tenue d'enquêtes en cas d'allégation de non-respect, et par des mesures appropriées lorsque les faits sont confirmés. De plus, que l'organisation dispose ou non d'un programme d'EDI, les employeurs ont l'obligation légale de protéger leur personnel contre la discrimination. Il est essentiel que cela soit bien compris.

  1. Répondre aux critiques et engager les conversations difficiles

Je reconnais que, même au sein d'organisations qui soutiennent activement l'EDI, la présence de certaines personnes réfractaires peut compromettre la réussite des efforts déployés. Dans de telles circonstances, garder le silence n'est pas une option : il est essentiel que les organisations soient claires quant à leur position, et qu'elles engagent les conversations difficiles. Comme pour toute autre politique ou procédure interne, les membres du personnel ne sont pas tenus d'y adhérer sur le plan personnel... mais s'ils souhaitent continuer à faire partie de l'organisation, ils doivent s'y conformer. Si l'on vous demande : « Pourquoi continuer à mettre l'accent sur l'EDI? » – ayez une réponse. Cela dit, il est important que les personnes en position de leadership soient outillées pour mener ces échanges de façon respectueuse, objective et réfléchie. Les employeurs sont donc invités à réfléchir aux soutiens qu'ils pourraient offrir à leurs leaders afin de leur permettre d'aborder ces discussions de façon constructive.

  1. Réagir aux divisions engendrées par l'opposition à l'EDI

Les divergences d'opinion sur ce sujet sensible peuvent entraîner des divisions au sein du milieu de travail. Ces divisions ne doivent pas être ignorées, car si elles ne sont pas abordées, elles peuvent mener à une escalade de conflits autrement évitables. Le recours à un processus de rétablissement du climat de travail est utile dans de tels cas. Ce processus est particulièrement utile parce qu'il cherche à créer un environnement à la fois sécuritaire et productif, tout en tenant compte des perspectives et des intérêts de toutes les personnes concernées.

Les réactions hostiles envers les groupes marginalisés ne datent pas d'hier – l'histoire nous le rappelle. Mais il nous appartient de choisir notre position, et les principes que nous décidons de defender.

Footnote

1. « Three-in-ten Canadians have experienced hiring or workplace discrimination » (18 novembre 2024), en ligne (article Pollara): https://www.pollara.com/three-in-ten-canadians-have-experienced-hiring-or-workplace-discrimination/ (en anglais seulement).

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