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I. ProcÉdure pÉnale
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Irrecevabilité pour défaut de préjudice
irréparable - le recourant ne peut |
Rappel de jurisprudence : copie |
Rappel de jurisprudence : copie
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TF 7B_631/2023* Inapplicabilité du principe de
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II. Droit pÉnal ECONOMIQUE
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TF 7B_529/2023 Absence d'escroquerie et violation du droit
d'être entendu : annulation d'une créance
compensatrice
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- Droit international privÉ
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- Droit de la poursuite et de la faillite
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- entraide internationale
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Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_184/2025 du 1er septembre 2025 | Irrecevabilité pour défaut de préjudice irréparable - le recourant ne peut invoquer les secrets de tiers pour s'opposer à la levée des scellés de son téléphone portable (art. 248 al. 1 et 264 CPP, art. 93 al. 1 let. a LTF)
- En janvier 2025, le Ministère public du canton de
Bâle-Campagne (« MPC») a
conduit une instruction pénale contre A.
(« Recourant ») pour
vols
répétés (art. 139 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et dommages à la propriété (art.144 CP).
- Le 7 janvier 2025, son téléphone portable a été saisi et placé sous scellés à sa demande. Le 9 janvier 2025, le MPC a requis du Tribunal des mesures de contraintes (« TMC») l'autorisation d'effectuer immédiatement une copie complète du téléphone portable saisi, ce qui a été autorisé le jour-même.
- Le 14 janvier 2025, le MPC a sollicité la levée
des scellés. Par décision du 18 février 2025,
le TMC a partiellement admis la requête : il a
ordonné la
levée des scellés concernant les données de localisation, de communication, les vidéos et les images générées entre le 15 juin 2024 et le 7 janvier 2025, et a ordonné que ces données soient transmises au TMC sur un support externe.
- Le Recourant a formé un recours au Tribunal
fédéral le 26 février 2025. Il a demandé l'annulation de la décision du TMC, faisant valoir que son téléphone contenait notamment des données
sensibles protégées par le secret médical au sens de
l'article 264 al. 1 let. c CPP, ainsi que des photos privées de tests de grossesse sur WhatsApp.
- La procédure de mise sous scellés
s'applique
uniquement si les personnes visées par la perquisition invoquent de manière suffisamment motivée un motif légal de protection du secret. Conformément à l'article 248 al. 1 CPP, seuls les motifs
énumérés à l'article 264 CPP peuvent être
invoqués. Dans le cadre d'un recours au Tribunal fédéral, la partie recourante doit donc clairement démontrer en quoi la levée des scellés ordonnée par le TMC porterait atteinte à l'un des motifs de protection du secret. Si une telle atteinte est rendue vraisemblable, le Tribunal fédéral reconnaît l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'article 93 al. 1 let. a LTF, car la divulgation d'un secret, une fois réalisée, ne peut plus être réparée (consid. 2.2).
- En l'espèce, le Recourant a soutenu que son
téléphone contenait des données couvertes par le secret médical, notamment des communications de sa compagne enceinte avec son gynécologue, ainsi que des photos privées de tests de grossesse sur Whatsapp. Le Tribunal fédéral a toutefois retenu qu'il n'était pas habilité à faire valoir en son nom propre les secrets professionnels ou la sphère
privée de tiers. Ainsi, les intérêts au secret invoqués par le Recourant en lien avec sa compagne, son enfant à naître ou le gynécologue de cette dernière ne sont pas de nature à démontrer un préjudice imminent et irréparable au sens de l'article 93 al. 1 let. a LTF. De plus, il n'avait pas expliqué en quoi ces données et communications pouvaient concerner ses propres intérêts au secret (consid. 4.1).
- S'agissant des photos privées de tests de grossesse sur Whatsapp, il souhaitait les voir classées parmi les documents personnels présentant un intérêt élevé en matière de protection de la vie privée au sens de l'article 264 al. 1 let. b CPP. Le Tribunal fédéral a rappelé que les documents personnels et la correspondance de la personne accusée (art. 264 al. 1 let. b CPP) ne bénéficient pas d'une protection absolue : ils ne sont protégés que si l'intérêt à la protection de la personnalité l'emporte sur l'intérêt à la poursuite pénale (consid. 4.2).
- In casu, le recourant s'est limité
à affirmer la
présence de photos privées de tests de grossesse sur son téléphone, sans exposer en quoi ces éléments seraient de nature à faire prévaloir son intérêt à la protection de la personnalité sur l'intérêt public à la poursuite pénale. Il n'a pas expliqué en quoi ces données, par leur nature ou leur sensibilité,
justifieraient une protection accrue au sens de
l'article 264 al. 1 let. b CPP. Faute d'une telle
démonstration, aucun préjudice irréparable au sens de l'article 93 al. 1 let. a LTF ne peut être retenu (consid. 4.2).
- Partant, le recours a été déclaré irrecevable.
TF 7B_949/2024 du 16 septembre 2025 | Rappel de jurisprudence : copie préalable de données électroniques et absence de vice de procédure grave dans le cadre de la mise sous scellés
- En 2021, l'Administration fédérale des
contributions (« AFC») a ouvert
une procédure pénale
fiscale contre G. Inc, A.A et B.A, soupçonnés d'avoir commis ou favorisé des infractions de fraude fiscale au sens des articles 175, 177 et 181 LIFD, portant sur plusieurs périodes fiscales
comprises entre 2012 et 2020.
- Dans ce cadre, l'AFC a ordonné, le 10 novembre
2021, la production de documents bancaires par plusieurs
établissements financiers. Les banques H. et I. ont remis
les documents bancaires requis sous forme papier, tandis que la
banque J. a transmis les mêmes types de documents bancaires,
mais sous forme électronique, via la plateforme
sécurisée
PrivaSphere. - L'AFC a copié ces données sur un support
USB afin de les sécuriser, puis a scellé
l'ensemble des documents en raison des oppositions
déposées par A.A, B. AG et les autres
sociétés concernées
(« Intéressés »).
- Après un premier contentieux (TF 7B_99/2022), le
Tribunal fédéral a jugé que les
Intéressés étaient habilités à
requérir la mise sous scellés et a renvoyé la
cause à la Cour des plaintes du Tribunal pénal
fédéral (« TPF»)
afin qu'elle ouvre une procédure formelle de
levée des scellés. A la suite de ce renvoi,
l'AFC a déposé, en novembre 2023, une
demande de levée des scellés portant sur l'ensemble des documents bancaires qui ont été transmis par les établissements financiers. - Par décision du 9 août 2024, le TPF a
partiellement admis la demande, mais a refusé la
levée des scellés concernant le support USB contenant
les données électroniques de la banque J.,
considérant que la copie réalisée par
l'AFC constituait un vice de
procédure grave.
- L'AFC a alors formé un recours devant le Tribunal fédéral.
- Conformément à l'article 191 al. 1 LIFD, la procédure en matière de soupçons de graves infractions fiscales se déroule selon les articles 19 à 50 de la Loi fédérale sur le droit pénal administratif (« DPA»). Les dispositions du Code de procédure pénale (« CPP ») s'appliquent à titre complémentaire ou par analogie lorsque la DPA le prévoit, notamment celles relatives à la saisie et à la préservation des données (art. 246 ss CPP) (consid. 3.2).
- Selon l'article 50 DPA, la perquisition visant des papiers doit être opérée avec les plus grands égards pour les secrets privés ; en particulier, les papiers ne seront examinés que s'ils contiennent apparemment des écrits importants pour l'enquête. Cette disposition s'applique également aux données électroniques. En cas d'opposition, les papiers sont mis sous scellés et déposés en lieu sûr (art. 50 al. 3 DPA) (consid.3.2).
- Dans un arrêt récent du 3 avril 2025
(TF 7B_515/2024), le Tribunal fédéral a jugé que, dans une situation où des documents bancaires avaient également été transmis par voie électronique à l'autorité d'instruction, il n'y avait rien à
redire quant au fait que l'autorité ait enregistré les données qui lui avaient été transmises sur une clé USB afin de se conformer à la demande de mise sous scellés, dont elle avait déjà connaissance. Il s'agit d'une opération faisant partie de la sécurisation et non d'un examen de contenu (consid. 4.3).
- En l'espèce, le TPF avait considéré
que la copie
effectuée par l'AFC des données électroniques fournies par la banque J. constituait un vice de
procédure grave, au motif que ces données auraient été visibles par les agents enquêteurs au moment de leur réception (consid. 4.2).
- Le Tribunal fédéral a rappelé que, dans son arrêt 7B_515/2024, il avait jugé que la copie ou l'enregistrement faisait partie de la saisie. La possibilité théorique d'une prise de connaissance prématurée de certaines données ne pouvait être évitée, tout comme c'est le cas lors de la saisie de documents physiques tels que des dossiers, des carnets, etc. ou lors d'une perquisition à domicile (consid. 3.4.1-3.4.3).
- Le Tribunal fédéral a relevé que le
présent cas
devait être traité à la lumière de cette jurisprudence. Il en a conclu que le TPF avait violé le droit fédéral en considérant qu'un vice grave justifiait de refuser l'examen matériel des scellés (consid. 4.4).
- Partant, le recours de l'AFC a été admis et la cause renvoyée au TPF pour nouvel examen notamment sur l'existence d'intérêts secrets méritant protection.
TF 7B_1353/2024 du 16 septembre 2025 | Rappel de jurisprudence : copie préalable de données électroniques et absence de vice de procédure grave dans le cadre de la mise sous scellés
- En 2021, l'Administration fédérale des
contributions (« AFC » ) a ouvert une
procédure pénale
fiscale à l'encontre de D.A, A.A, et de plusieurs
sociétés, dont B.AG, en raison de soupçons de fraude fiscale au sens des articles 175, 177 et 181 LIFD, portant sur diverses périodes comprises entre 2012 et 2020.
- Le 11 novembre 2021, l'AFC a mené plusieurs
perquisitions, au domicile de A.A – où se trouvait également le siège de B.AG – ainsi que dans les locaux d'autres sociétés. Elle y a saisi de nombreux documents papier ainsi que des données électroniques sur plusieurs supports. A la suite des oppositions formées par A.A, B.AG et d'autres sociétés (« les Intéressés »), l'ensemble des éléments saisis a été mis sous scellés.
- L'AFC a ensuite rejeté ces oppositions, ce qui a donné lieu à plusieurs recours successifs devant le Directeur de l'AFC, puis devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (« TPF »).
- l'AFC a ensuite saisi le TPF d'une demande de
levée des scellés. Les Intéressés s'y sont opposés en invoquant notamment un vice de procédure lié à la méthode de copie de données électroniques effectuées par l'AFC avant la mise sous scellés.
- Par décision du 6 novembre 2024, le TPF a refusé
la levée des scellés pour certains supports
électroniques. L'AFC a alors déposé un
recours au
Tribunal fédéral afin de contester ce refus.
- En vertu de l'article 191 al. 1 LIFD, la procédure
en matière de soupçons de graves infractions
fiscales se déroule selon les articles 19 à 50 de la Loi fédérale sur le droit pénal administratif
(« DPA »). Les dispositions du Code de procédure pénale (« CPP ») s'appliquent à titre complémentaire ou par analogie lorsque la DPA le prévoit, notamment celles relatives à la saisie et à la préservation des données (art. 246 ss CPP) (consid.3.2).
- Selon l'article 50 DPA, la perquisition visant des
papiers doit être opérée avec les plus grands
égards pour les secrets privés ; en particulier, les
papiers ne seront examinés que s'ils contiennent
apparemment des écrits importants pour
l'enquête. Cette disposition s'applique
également aux données
électroniques. En cas d'opposition, les papiers sont mis sous scellés et déposés en lieu sûr (art. 50 al. 3 DPA) (consid. 3.2).
- Selon la pratique constante du Tribunal fédéral, l'autorité de poursuite pénale peut, si nécessaire, saisir provisoirement les moyens de preuve qu'elle souhaite examiner et confisquer (cf. art. 263 al. 3 et 265 al. 4 CPP). À cette fin, elle peut effectuer un tri sommaire par thème afin de s'assurer que seuls les objets potentiellement pertinents pour l'enquête sont saisis. Ce tri s'applique également aux supports de données électroniques (7B_515/2024 du 3 avril 2025, consid. 3.4.2) (consid. 4.2.2).
- La saisie de données électroniques à des fins de perquisition s'effectue soit par la saisie du support de données lui-même, soit par la réalisation d'une copie sélective sur place. L'article 247. al. 3 CPP autorise, lors d'une perquisition à domicile, la copie directe de données d'un ordinateur ou d'un serveur sur un support externe lorsque le système informatique ne peut pas être saisi ou lorsque la saisie de celui-ci apparaîtrait disproportionnée, pour autant que la copie puisse être réalisée dans un délai raisonnable (consid. 4.2.3).
- En l'espèce, le TPF a considéré que la copie des données électroniques sur des clés USB effectuée par l'informaticien de l'AFC constituait une violation grave de la procédure, au motif qu'une telle opération ne pouvait être confiée à l'autorité de poursuite pénale elle-même. Il en avait ainsi déduit que ces supports ne pouvaient faire l'objet d'une levée des scellés (consid. 4.1).
- Le Tribunal fédéral a écarté cette analyse. Il a relevé qu'il n'y avait rien de critiquable à ce que l'AFC ait copié sur place et en présence de A.A, seul intéressé présent lors de la perquisition, les données concernées sur des supports externes, avant de les placer sous scellés. Il a également ajouté que la simple possibilité théorique d'une prise de connaissance prématurée de certaines données ne suffisait pas à caractériser un vice grave, une telle situation pouvant également survenir lors de la saisie de documents physiques tels que des classeurs, des carnets, etc. lors d'une perquisition à domicile. Le TPF avait donc retenu à tort un vice de procédure grave (consid. 4.3.1- 4.3.3)
- Le Tribunal fédéral a ainsi annulé cette partie de la décision et renvoyé la cause au TPF pour qu'il examine, au fond, la pertinence des données et l'existence éventuelle de secrets à protéger (consid. 6.1).
- Partant le recours de l'AFC a été admis.
TF 7B_631/20231du 18 septembre 2025 |
Inapplicabilité du principe de publicité des
jugements aux
ordonnances pénales non
entrées en force (art. 69 al. 2 CPP et
30 al. 3
Cst)
- Par ordonnance pénale du 9 juin 2023, le
Ministère public genevois
(« MP») a reconnu A.
(« Recourante ») coupable de faux dans les titres (art. 251 CP). Le 15 juin 2023, la Recourante a formé opposition et a demandé à ce que l'ordonnance ne soit pas communiquée à des tiers, en
particulier aux médias ou aux journalistes. Par
ordonnance du 16 juin 2023, le MP a refusé de
restreindre la consultation de l'ordonnance pénale à des tiers. Par arrêt du 28 juillet 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise (« Chambre pénale ») a confirmé la décision du MP.
- La Recourante a interjeté recours au Tribunal
fédéral contre cet arrêt, au motif que la consultation d'une ordonnance pénale, non entrée en force,
violerait ses droits fondamentaux à la présomption
d'innocence et à la vie privée. Dans la mesure où l'arrêt entrepris par la Chambre pénale ne clôt pas la procédure pénale ouverte contre la Recourante, il s'agit d'une décision incidente susceptible de
recours uniquement si elle est de nature à causer un préjudice irréparable (article 93 a l. 1 let. a LTF).
- S'agissant de la recevabilité du recours, le
Tribunal fédéral a retenu que la remise, sur simple
demande d'un journaliste accrédité, d'une
copie non
anonymisée d'une ordonnance pénale frappée d'opposition était de nature à causer un préjudice irréparable à la Recourante, notamment sous l'angle du principe de la présomption
d'innocence, de sorte que le recours est déclaré
recevable (consid. 1).
- La Chambre pénale a constaté que le
Tribunal
fédéral ne s'était pas encore prononcé sur la
question de la consultation d'une ordonnance
pénale non entrée en force et a appliqué par
analogie la jurisprudence fédérale relative à la
consultation de jugements non entrés en force,
considérant qu'une ordonnance pénale reflétait le résultat de la procédure préliminaire. Elle en a
conclu que l'article 69 al. 2 CPP s'appliquait aux ordonnances pénales immédiatement après leur prononcé, et pas seulement à celles entrées en force (consid. 2.1).
- Les article 6 par. 1 CEDH, 14 par. 1 Pacte ONU II et 30 al. 3
Cst garantissent le principe de la
publicité de la justice. Ce principe permet au public de suivre la manière dont les procédures sont
menées et le droit appliqué. En matière
procédurale, ce principe est concrétisé à l'article
69 CPP, bien qu'il ne règle pas de façon exhaustive la portée du principe de la publicité en droit pénal (consid. 2.3.2).
- Le Tribunal fédéral a ainsi procédé
à une analyse de l'article 69 al. 2 CPP basée sur
le pluralisme
méthodologique pour établir le véritable sens de la disposition (consid. 2.4.1).
- Sur le plan littéral, il a considéré que
la lettre de l'article 69 al. 2 CPP ne permettait pas
de
déterminer si la norme visait uniquement les
ordonnances pénales entrées en force ou toutes les ordonnances pénales (consid. 2.4.2).
- Sur le plan systématique, le fait que l'article
69
3 let. d CPP indique que la procédure de
l'ordonnance pénale n'est pas publique permet de mieux comprendre l'alinéa 2 relatif aux conditions de consultation d'une ordonnance pénale. Les règles sur l'ordonnance pénale se divisent en deux parties : celles qui concernent son prononcé et celles qui concernent l'opposition et la suite de la procédure (art. 352-356 CPP). Comme les étapes qui précèdent le prononcé sont déjà couvertes par la confidentialité de la procédure préliminaire
(cf. art. 69 al. 3 let. a CPP), il apparaît superflu d'ajouter en sus une règle expresse de confidentialité. Selon le Tribunal fédéral, l'interprétation
systématique penche ainsi pour écarter les
ordonnances pénales qui ne sont pas en force
(cf. art. 354 al. 3 CPP) du champ d'application de l'article 69 al. 2 CPP (consid. 2.4.3).
- Sur le plan historique, il ressort du Message du Conseil
fédéral relatif à l'unification du droit
de la
procédure pénale du 21 décembre 2005 sur l'article 69 al. 2 CPP que « […] [l]es personnes intéressées peuvent consulter les jugements et les ordonnances pénales si les parties ont renoncé à une audience publique du jugement » (traduction libre). Or, par définition, le prévenu qui fait opposition à une
ordonnance pénale n'a précisément pas renoncé à son droit à une audience publique. Ainsi, l'interprétation historique corrobore l'interprétation systématique (consid. 2.4.5).
- Enfin, sur le plan téléologique, le principe de
la
publicité vise à protéger, d'une part, l'intérêt des parties à la procédure et, d'autre part, la confiance de la société civile dans le bon fonctionnement de la justice. Ce principe se heurte à celui de la
présomption d'innocence qui dispose que toute personne est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle fasse l'objet d'une condamnation entrée en force. En particulier, l'accès à une ordonnance pénale non entrée en force, considérée comme une
« proposition de jugement» serait de nature à
engendrer l'impression prématurée chez le tiers que le prévenu est coupable.
- Ainsi, le Tribunal fédéral a
considéré que pour
conjuguer les objectifs contradictoires du principe de la présomption d'innocence et celui de la
publicité, la solution la plus adéquate est
d'autoriser la consultation d'ordonnances pénales par des tiers qu'une fois celles-ci entrées en force (consid. 2.4.5). - En conclusion, l'arrêt entrepris a été réformé et le Tribunal fédéral a enjoint au MP de ne pas donner accès aux tiers à l'ordonnance pénale non entrée en force (consid. 2.4.7 à 3).
- Partant, le recours a été admis.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
TF 7B_529/2023 du 2 octobre 2025 | Absence d'escroquerie et violation du droit d'être entendu : annulation d'une créance compensatrice (art. 70 –71 CP, 146 CP)
- Le Staatsanwaltschaft de Nidwald
(« MP ») a mené une
procédure pénale contre A.
(« Recourant »), B. ainsi que plusieurs autres
prévenus pour escroquerie (art. 146 CP),
abus de confiance (art. 138 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP), pour avoir incité H., I. m.b.H. & Co KG ainsi que J. International Corp (« Parties plaignantes ») à transférer à la société K. Corporation un montant de USD 3.4 millions en leur faisant croire à tort que ces fonds seraient
investis dans un placement financier très rentable. Il est reproché au Recourant d'avoir indûment perçu EUR 200'000.-. - Par décision du 16 janvier 2023, le MP a suspendu la
procédure pénale contre B. et a prévu
que
celle-ci serait classée définitivement si aucune
reprise n'intervenait avant l'expiration du délai de
Il a également classé la procédure
pénale à l'encontre du Recourant mais l'a subordonné au paiement d'une créance compensatrice.
- Le 25 mai 2023, sur recours auprès de
l'Obergericht de Nidwald
(« Instance de recours»),
la
décision a été partiellement modifiée sur le
montant de la créance compensatrice et rejetée pour le surplus. Le Recourant a interjeté recours au
Tribunal fédéral et a conclu à ce que la décision
précitée soit annulée et qu'il soit renoncé à toute créance compensatrice à son encontre.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant a fait valoir que le
prononcé d'une créance compensatrice à
son encontre était injustifiée dans la mesure
où
l'infraction d'escroquerie préalable nécessaire à son prononcé, commise par B., n'avait pas été
établie. De plus, le Recourant s'est également plaint d'une violation de son droit d'être entendu au motif que ce grief avait déjà été soulevé devant l'Instance de recours sans qu'il y ait été donné suite (consid. 3.1).
- Au sens de l'article 70 al. 1 CP, le juge prononce
la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le
résultat d'une infraction ou qui étaient
destinées à décider ou à
récompenser l'auteur d'une infraction, si elles
ne doivent pas être restituées au lésé
en
rétablissement de ses droits. Si les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance
compensatrice de l'État d'un montant équivalent (article 71 al. 2 CP). La jurisprudence précise que l'utilité de la mesure doit empêcher qu'une
personne continue de profiter d'un avantage
patrimonial obtenu par le biais d'une infraction
pénale, puisqu'un comportement repréhensible ne doit pas être rémunérateur (consid. 2).
- Or, pour que l'infraction d'escroquerie au sens de
l'article 146 al. 1 CP soit réalisée,
l'astuce doit être établie. Cette
dernière est réalisée en cas de
mensonges multiples et savamment coordonnées, susceptibles de tromper même une victime avisée (édifice de mensonges). En revanche, dans les cas de fausses déclarations, la jurisprudence ne
reconnait l'astuce que si la vérification des
informations par la dupe s'avère impossible, ne l'est qu'au prix d'efforts considérables ou si elle n'est pas raisonnable au vu des circonstances
(ex. en raison d'un lien de confiance entre l'auteur et la dupe). A contrario, l'astuce n'est pas retenue lorsque la dupe aurait pu éviter l'erreur en faisant preuve d'un minimum d'attention (consid. 3.2).
- In casu, selon les constatations de fait de
l'Instance de recours, B. s'était
présenté comme étant le
représentant et le mandataire de la société K.
Sous cette casquette, il avait incité les Parties plaignantes à souscrire à un programme d'investissement exclusif, approuvé et réglementé par les autorités, qui promettait un rendement élevé et un placement sûr. Sur la base de ces informations mensongères, les Parties plaignantes auraient versé un montant d'USD 3.4 millions sur le compte de la société K. Corporation et auraient ainsi perdu leurs
investissements (consid. 3.3).
- Selon le Tribunal fédéral, si B. a certes menti
à
plusieurs reprises aux Parties plaignantes, y
compris en organisant la tenue d'une assemblée générale prétendument extraordinaire destinée à rassurer les « investisseurs», ces mensonges ne constituaient pas un « édifice de mensonges »
difficilement vérifiables par les Parties plaignantes. Au contraire, notre Haute Cour a retenu qu'il ne s'agissait que de fausses déclarations sur la base desquelles les dupes n'auraient pas dû investir une telle somme. Ainsi, l'avis de l'Instance de Recours consistant à dire que B. aurait monté un tissu de mensonges a été rejeté (consid. 3.3 et 3.4).
- Le Tribunal fédéral a considéré que
faute pour l'Instance de recours d'avoir pu
établir le caractère astucieux des affirmations
mensongères de B., l'ensemble des
éléments constitutifs de l'escroquerie
n'avaient pas été prouvé. Ainsi, cette
infraction ne pouvait pas être retenue à
l'encontre de B. De plus, le Tribunal fédéral a
également admis
violation du droit d'être entendu du Recourant (consid. 3.4).
- Partant, le recours a été admis et la décision a été annulée (consid. 3.4).
Footnote
1. Arrêt destiné à publication.
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.