ARTICLE
18 September 2025

Deane v. Canada Post : la décision d'autorisation d'un recours collectif en matière d'indication de prix partiel est portée en appel

MT
McCarthy Tétrault LLP

Contributor

McCarthy Tétrault LLP provides a broad range of legal services, advising on large and complex assignments for Canadian and international interests. The firm has substantial presence in Canada’s major commercial centres and in New York City, US and London, UK.
L'introduction des dispositions relatives aux indications de prix partiel dans la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, par le projet de loi C-19 de 2022, a donné lieu à une vague d'actions collectives...
Canada Antitrust/Competition Law
Canadian Class Actions Monitor’s articles from McCarthy Tétrault LLP are most popular:
  • within Antitrust/Competition Law topic(s)

L'introduction des dispositions relatives aux indications de prix partiel dans la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, par le projet de loi C-19 de 2022, a donné lieu à une vague d'actions collectives envisagées contestant les diverses manières dont les entreprises canadiennes affichent les prix et les frais supplémentaires. En juillet, la Cour fédérale a publié les motifs de sa première décision d'autoriser un recours collectif en matière d'indication de prix partiel dans Deane v. Canada Post, 2025 CF 1194. Cette décision, actuellement portée en appel, traite de nombreuses questions fondamentales pour l'infraction d'indication de prix partiel et définit la limite entre indication de prix partiel et double étiquetage. Dans ce billet de blogue, nous examinerons de façon critique les motifs de la Cour fédérale et analyserons certaines questions qui pourraient être abordées dans l'appel en cours de cette décision.

Qu'est-ce qu'une indication de prix partiel?

Au sens de la Loi sur la concurrence, l'« indication de prix partiel » s'entend de l'indication d'un prix « qui n'est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes qui s'y ajoutent », à l'exception des sommes imposées par une loi du Parlement ou d'une assemblée législative provinciale (comme la taxe de vente). Par exemple, les frais d'inscription en ligne ajoutés au prix d'un billet de cinéma ont été considérés comme un exemple d'indication de prix partiel dans Canada (Commissaire de la concurrence) c. Cineplex Inc., 2024 Trib conc 5 (également en appel dans l'affaire A-346-24).

Comme l'indique la Cour fédérale au par. 84 de Deane, plusieurs exigences doivent être respectées pour qu'une indication de prix tombe sous le coup des dispositions relatives à l'indication de prix partiel : i) le prix initialement indiqué ne doit pas être atteignable; ii) les frais supplémentaires doivent être fixes; iii) les frais supplémentaires doivent être obligatoires; et iv) les frais supplémentaires ne doivent pas être imposés par des lois du Parlement ou des assemblées législatives provinciales.

La décision

L'indication de prix partiel alléguée dans Deane était fondée sur l'exclusion de suppléments pour carburant de l'affichage par Postes Canada du prix de divers services de livraison sur trois de ses plateformes en ligne, utilisées respectivement par les propriétaires de petites entreprises, les grands clients commerciaux et les consommateurs individuels. Au cours de la période examinée par la juge des requêtes, la Postes Canada a imposé un supplément pour carburant de 13 à 26 % sur le prix d'un service d'expédition choisi. L'ensemble du processus d'achat figurait sur une seule page. Cependant, les clients devaient cliquer sur quatre cases qui leur demandaient : (i) d'indiquer leur propre localisation; (ii) d'indiquer la destination du colis; (iii) d'indiquer le type de colis ainsi que les dimensions et le poids, et enfin (iv) de générer les prix des différentes options de services d'expédition qui s'affichaient ensuite. Une fois qu'un service d'expédition est sélectionné, un sommaire de la commande du client en haut de la page sera mis à jour afin d'indiquer le prix du service d'expédition sélectionné, un rabais au client, le cas échéant, un supplément pour carburant, un total estimatif avant taxes, les taxes estimatives et un total estimatif.

La demanderesse a allégué que l'omission par Postes Canada d'indiquer le supplément pour carburant dans le prix des options de service d'expédition dans la case (iv) équivalait à une indication de prix partiel, soit « l'indication d'un prix qui n'est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes », en contravention du par. 52(1.3), et à un double étiquetage, en contravention de l'art. 54 de la Loi sur la concurrence, malgré le fait que toutes les cases se trouvaient sur la même page.Elle a intenté cette action collective au nom des personnes qui ont utilisé les plateformes en ligne de Postes Canada et qui ont payé le supplément pour carburant.

La Cour fédérale a conclu que toutes les exigences en matière d'autorisation étaient remplies s'agissant des réclamations de la demanderesse au titre de l'indication de prix partiel visée au par. 52(1.3) de la Loi sur la concurrence, considérant bon nombre des questions soulevées par la défenderesse comme de nouvelles questions et préférant les faire trancher définitivement durant une audience ultérieure sur le fond. L'approche de la Cour fait obstacle à l'argument de la défenderesse au stade de l'autorisation. Nous soulignons ci-après les principaux enjeux soulevés par la décision.

Le sens du terme « fixes » demeure incertain

En concluant que la demanderesse avait plaidé une cause d'action raisonnable pour l'indication de prix partiel visée au par. 52(1.3), la Cour a refusé de trancher de manière définitive l'un des principaux moyens de défense de Postes Canada, soit que ses suppléments pour carburant étaient variables et ne répondaient donc pas à l'exigence de frais « fixes » pour une indication de prix partiel. La Cour a estimé « [traduction] qu'il valait mieux laisser cette question au juge du fond de l'affaire, qui disposerait d'un dossier de preuve complet » (Deane, au par. 53). Ainsi, à l'heure actuelle, on ne sait pas trop ce que recouvre l'exigence de frais « fixes » pour qu'une conduite soit considérée comme une indication de prix partiel.

Tandis que l'interprétation du terme « fixes » visé au par. 52(1.3) est une question nouvelle, le Parlement a délibérément exempté les frais qui ne sont pas « fixes » de l'indication de prix partiel (Deane, au par. 84). En ne s'attaquant pas à cette question et en la reportant plutôt à l'étape des questions communes, la juge des requêtes laisse la porte ouverte à ce que les réclamations alléguant une indication de prix partiel progressent au-delà de l'étape de l'autorisation sans qu'un élément nécessaire de l'infraction ne soit jamais traité.

De plus, en l'espèce, la juge des requêtes avait apparemment fait les constatations de fait nécessaires lui permettant de déterminer si la défense de Postes Canada devait s'appliquer. Lorsqu'elle a analysé le calcul du supplément pour carburant, la juge des requêtes a conclu que « [traduction] le montant du supplément variera également selon le service d'expédition et le poids, les dimensions et la destination du colis » (Deane, au par. 30). La juge des requêtes a conclu que les frais de Postes Canada étaient variables. La seule autre question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si, du point de vue de l'interprétation de la loi, l'exigence de frais « fixes » pour l'indication de prix partiel exclut les frais variables.

Même si la Cour a reconnu, ailleurs dans ses motifs, que « [traduction] lorsqu'une loi est au cSur d'une demande, les tribunaux [ne] devraient [pas] 'éviter de procéder à une interprétation de la loi' et « [traduction] les questions d'interprétation législative pures — même celles qui sont inédites ou contestées — peuvent faire l'objet d'une décision ou d'un règlement » (Deane, par. 70), elle a néanmoins décidé de reporter une question centrale d'interprétation législative dans cette affaire — ce qui est source de grande incertitude en la matière.

En refusant d'adopter l'interprétation de l'exigence de frais « fixes » pour l'indication de prix partiel présentée par Postes Canada, la Cour semble également avoir confondu cette question avec l'analyse de l'élément « obligatoire » de l'indication de prix partiel figurant dans Cineplex. En l'espèce, la réponse de la demanderesse à la défense de Postes Canada était que l'élément de frais « fixes » de l'indication de prix partiel signifiait simplement que les frais supplémentaires sont « non négociables ». La Cour a reconnu que les deux interprétations sont possibles et a conclu qu'il s'agit « [traduction] d'une question nouvelle, mais défendable » (Deane, au par. 53).

Toutefois, les extraits de Cineplex sur lesquels la Cour s'est fondée pour arriver à cette conclusion semblent combiner deux parties différentes de la décision du Tribunal de la concurrence. La Cour a fait observer que dans Cineplex, le fait que différents frais ont été facturés à différentes catégories de consommateurs « [traduction] ne signifiait pas que les frais de réservation en ligne n'étaient pas fixes », mais « [traduction] la question est plutôt celle de savoir s'ils sont obligatoires pour les utilisateurs qui veulent effectuer leur achat » ( Deane, au par. 50). Toutefois, car argument combine des extraits de deux parties différentes de Cineplex et s'appuie en partie sur l'analyse du Tribunal de la concurrence sur la question de savoir si les frais visés dans cette affaire étaient « obligatoires », or il s'agit là d'une composante différente de l'indication de prix partiel que le caractère « fixe » de frais.

Quand le par. 52(1.3) décrit l'indication de prix partiel comme « une indication de prix qui n'est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes », chacun de ces deux termes devrait avoir un sens particulier. La Cour dans la décision Deane semble avoir combiné les deux.

Que recouvre l'« indication d'un prix »?

Autre point de la défense de Postes Canada qui sera probablement débattu en appel, est la question de savoir ce que « l'indication d'un prix » signifie dans le cadre de l'infraction d'indication de prix partiel. Postes Canada a soutenu qu'il n'y avait aucune « indication d'un prix » qui n'était pas atteignable parce que tous les prix affichés, y compris le prix du service d'expédition et le supplément pour carburant, figuraient sur une seule page. Par conséquent, les indications de prix de Postes Canada constituent un exemple de tarification segmentée, semblable aux factures mensuelles où « [traduction] [l]e prix n'est pas communiqué au client progressivement, mais une seule fois sur une seule page, à savoir la facture mensuelle elle‑même où figurent tous les éléments du prix total final » sur la seule page Web elle-même (Zanin c. Ooma Inc., 2025 CF 51, au par. 433). La Cour fédérale avait précédemment estimé qu'il ne s'agissait pas d'une indication de prix partiel.

Même si toutes les indications de prix de Canada Postes figurent sur la même page, la juge des requêtes a conclu que « [traduction] la case Sommaire ne révèle un deuxième prix incluant le supplément pour carburant qu'une fois que les utilisateurs ont choisi un service affiché à un premier prix dans la case no 4 », ce qui équivaut sans doute à une indication de prix partiel en vertu du par. 52(1.3) (Deane, au par. 58).

La conclusion de la Cour pose la question de savoir où se situe la limite entre la segmentation des prix et l'« indication d'un prix » qui n'est pas atteignable aux fins de l'indication de prix partiel. Auparavant, la ligne semblait clairement définie. Lorsque tous les éléments d'un prix figuraient sur une seule page, il s'agissait d'une segmentation des prix et non d'une indication de prix partiel. La Cour d'appel fédérale pourrait préciser les limites entre ces concepts.

Importance du prix pour les clients réguliers

La Cour a reconnu que des frais supplémentaires de l'ordre de 25 % sont sans doute importants dans la décision d'achat d'un consommateur et devraient donc être examinés par le juge du procès. La Cour a ajouté qu'il n'y a pas de limite ferme aux dispositions de la Loi sur la concurrence en matière d'indication de prix partiel s'agissant des nouveaux clients, citant la décision Cineplex pour appuyer sa position qu'un prix inatteignable n'est pas inatteignable uniquement s'agissant d'un premier acheteur.

Toutefois, cela semble indiquer une mauvaise compréhension de l'argument de Postes Canada concernant les clients réguliers. L'importance des clients réguliers, ce qu'était Mme Deane à l'égard des services de Postes Canada, tient au fait qu'ils choisissent de revenir et de continuer à utiliser un service tout en sachant qu'une indication de prix initiale peut faire l'objet de frais supplémentaires. L'argument n'est pas que les clients réguliers sont en soi exclus lorsqu'il s'agit d'une indication de prix partiel, mais plutôt que leur retour démontre que les indications de prix et les frais supplémentaires ne sont pas importants dans leur décision d'achat, quel que soit le pourcentage du prix total auquel les frais s'élèvent.

Le préjudice causé par une indication de prix partiel

Deane admet que pour satisfaire à l'élément de causalité d'une demande fondée sur une indication de prix partiel à l'étape de l'autorisation, les demandeurs peuvent faire valoir que les clients auraient payé le prix indiqué inatteignable inférieur, si ce n'était des frais obligatoires fixes qui sont imposés. Par conséquent, l'indication de prix partiel porte préjudice aux consommateurs en les privant du prix indiqué inférieur, de sorte que « [traduction] le client subit une perte ou un préjudice correspondant à la différence entre le prix inatteignable et le prix payé » (Deane, au par. 68).

Ce raisonnement suppose que du fait qu'une indication de prix inférieur est faite, un consommateur aurait pu payer ce prix et a été privé de la différence. Le monde contrefactuel de la Cour sans les frais supplémentaires est un monde où les entreprises facturent simplement le prix indiqué inférieur. Toutefois, il n'y a aucune raison de croire que les entreprises réduiraient leurs prix simplement parce qu'elles ne peuvent plus ajouter de frais plus tard dans un processus d'achat.

Le monde contrefactuel le plus probable n'est pas celui où les « frais obligatoires fixes » ne sont pas facturés, mais celui où l'indication de prix « inatteignable » n'est pas faite. Dans ce scénario, le prix total que le consommateur paie demeure le même, la différence réside dans le moment auquel le client est informé du prix total, et non dans la différence monétaire entre les deux prix.

Il reste à voir comment ce type de préjudice sera (ou même pourra) être quantifié dans les affaires futures. Toutefois, aucune des deux théories du lien de causalité invoquées par la demanderesse dans cette affaire ne plaide en faveur du préjudice qu'elle subit du fait qu'on lui présente un prix segmenté en plusieurs éléments au lieu d'un prix tout inclus. Pour l'instant, après Deane, les demandeurs continueront probablement de plaider que le lien de causalité peut être établi en plaidant simplement que les clients auraient payé le prix indiqué inférieur si ce n'était des « frais obligatoires fixes ».

Différence entre indication de prix partiel et double étiquetage

Enfin, en rejetant l'autre réclamation de la demanderesse pour double étiquetage fondée sur l'art. 54 de la Loi sur la concurrence, la juge des requêtes a expliqué la différence entre les infractions d'indication de prix partiel et de double étiquetage. La plupart des actions collectives dans ce domaine allèguent que la conduite d'un défendeur équivaut à la fois à une indication de prix partiel et à un double étiquetage. Étant donné que les deux infractions portent sur des indications de prix multiples, elles sont plaidées de manière à peu près semblable.

La décision Deane conclut définitivement que la même conduite ne peut pas être à la fois une indication de prix partiel et du double étiquetage. La juge des requêtes estime que, contrairement à l'indication de prix partiel, dans le cadre du double étiquetage « [traduction] le prix n'est pas fourni progressivement aux clients; plus d'un prix sont plutôt présentés de manière simultanée » (Deane, au par. 82). Le double étiquetage ne consiste pas à ajouter des éléments de prix au cours d'un processus de vente. Il s'agit plutôt de facturer le plus élevé de deux ou plusieurs prix présentés de manière simultanée.

La juge des requêtes a également fait observer que le par. 52(1.3) comporte plusieurs exceptions claires à l'indication de prix partiel, notamment lorsque les frais ne sont pas « fixes »; lorsque les frais ne sont pas « obligatoires » et lorsque les frais sont imposés sous le régime d'une loi du Parlement ou d'une assemblée législative provinciale. Le double étiquetage n'est pas assorti de ces exceptions. Par conséquent, si la conduite décrite dans le cadre d'une indication de prix partiel (c.‑à‑d. qu'un prix inférieur ne peut pas être atteint en raison de l'ajout de frais obligatoires fixes entraînant un prix total plus élevé) constitue également du double étiquetage, alors les exceptions à l'indication de prix partiel n'auront aucun sens. Il y aura toujours une infraction même lorsqu'un prix n'est pas « fixe », n'est pas « obligatoire » ou est effectivement imposé par une loi du Parlement ou d'une province.

Points d'intérêt

En tant que première décision parmi les nombreuses décisions qui seront vraisemblablement rendues en matière d'autorisation d'actions collectives au cours des prochaines années relativement au par. 52(1.3), les parties à ces actions doivent retenir les points suivants :

  1. Tant qu'une interprétation définitive de l'élément de frais « fixes » d'une indication de prix partiel n'est pas donnée, les tribunaux pourraient suivre Deane et continuer de reporter la question à l'audience sur le fond.
  2. Sauf si la décision est infirmée en appel, les tribunaux pourraient estimer qu'il suffit de plaider que le préjudice causé par l'indication de prix partiel correspond à la différence entre le prix tout inclus et le prix inatteignable inférieur.
  3. Il n'y a pas de chevauchement entre les infractions d'indication de prix partiel et de double étiquetage en vertu de la Loi sur la concurrence. La première consiste à offrir des éléments de prix de manière progressive au cours d'un processus de vente, tandis que le second vise la facturation de deux ou plusieurs prix présentés de manière simultanée.

Cette décision est actuellement en appel sous le dossier de cour no A-253-25. La décision d'appel pourrait approfondir ces questions et ainsi fournir l'évaluation définitive qui s'impose.

To view the original article click here

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More