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Aperçu
Dans son arrêt novateur Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71, la Cour suprême du Canada a estimé que l'exécution de bonne foi des contrats constitue un principe directeur général de la common law en matière de contrats. Toutefois, la Cour n'a pas abordé la question de savoir si ou comment ce principe peut s'appliquer aux négociations contractuelles. Il en résulte une grande confusion quant à l'existence d'une obligation de négocier des contrats de bonne foi, ainsi qu'à la source et à la portée de cette obligation. La confusion s'aggrave lorsque les négociations ont lieu dans le cadre d'ententes préexistantes ou préliminaires, car ces ententes offrent un éventuel point d'ancrage à la naissance d'une obligation contractuelle d'agir de bonne foi.
La décision récente, Dr. Michael Emon Dentistry Professional Corporation v. Alexander Sevo Dentistry Professional Corporation, 2025 ONSC 4961, porte sur la question de savoir si l'obligation d'agir de bonne foi peut s'appliquer à un acheteur potentiel qui négocie avec le vendeur après avoir signé une lettre d'intention. La décision suggère qu'une lettre d'intention peut effectivement donner naissance à une telle obligation, même si une telle lettre n'est que partiellement contraignante. Toutefois, les motifs de la Cour peuvent soulever d'autres questions. En effet, la Cour n'a pas directement abordé la question de savoir si l'obligation s'appliquait, mais seulement celle de savoir pourquoi, à la lumière des faits de l'affaire, l'obligation n'a pas été enfreinte, que l'obligation s'applique ou non.
Contexte
L'obligation de négocier de bonne foi a reçu un accueil quelque peu mitigé de la part des tribunaux canadiens, ces derniers rejetant en général une telle obligation lorsqu'il n'existe pas déjà d'entente exécutoire. D'un autre côté, les tribunaux ont été prêts à reconnaître que l'obligation d'agir de bonne foi peut trouver application lorsque les négociations ont lieu conformément à une entente préexistante ou préliminaire contraignante, comme des négociations en vue du renouvellement d'un bail. Dans de tels cas, l'exercice ou l'exécution des droits et obligations liés aux négociations peut donner lieu à la naissance d'une obligation traditionnelle d'agir de bonne foi, comme l'obligation d'exécution honnête ou l'obligation d'exercer de façon raisonnable un pouvoir discrétionnaire contractuel de bonne foi.
Lorsque les négociations ont lieu dans le cadre d'ententes préliminaires plutôt que préexistantes, telles que des lettres d'intention, des questions difficiles peuvent se poser quant au degré de force contraignante de l'entente préliminaire. Ce n'est que lorsque l'entente préliminaire est déjà un contrat exécutoire – en ce sens que les parties ont voulu qu'elle soit contraignante et qu'elles sont parvenues à un accord sur toutes ses modalités essentielles avec suffisamment de certitude – qu'elle peut étayer une obligation contractuelle de négocier de bonne foi. Cela signifie-t-il pour autant qu'une entente préliminaire peut fonder une obligation de bonne foi si, comme c'est parfois le cas pour les lettres d'intention, les parties ont voulu que seules certaines de ses dispositions aient une valeur juridique? La décision Emon suggère que c'est possible.
Les faits sous-jacents à l'arrêt Emon
L'affaire Emon est née de la tentative de vente d'une clinique entre deux dentistes. Le Dr Michael Emon, par l'intermédiaire de sa société Dentistry Professional Corporation (« Emon »), et Alexander Sevo Dentistry Professional Corporation (« Sevo »), ont tous deux fourni des services d'endodontie en Ontario. En 2016, les deux parties ont discuté de l'achat par Sevo du cabinet d'Emon avec l'intention que Sevo continue à servir les patients d'Emon pendant la transition de ce dernier vers sa retraite. Les parties ont signé une lettre d'intention (la « lettre d'intention »), déclarant qu'elle n'était « [traduction] ni de nature contractuelle ni contraignante (sauf dans les cas expressément prévus aux présentes) », et contenait une combinaison de dispositions contraignantes et non contraignantes.
La lettre d'intention exprimait l'intention des parties de négocier un contrat d'achat, qui devait être signé 20 jours après la signature de cette lettre, la clôture de la transaction devant avoir lieu le jour suivant ou à toute autre date convenue par les parties. En vertu de la lettre d'intention, la clôture était assujettie aux conditions habituelles en faveur de Sevo en tant qu'acheteur, qui devaient être incluses dans le contrat d'achat. La lettre d'intention prévoyait notamment qu'il n'y ait pas eu de changement défavorable important dans la pratique, que la pratique ait été exercée dans le cours normal des affaires, et que Sevo conclue un bail pour la clinique d'Emon, mène une vérification au préalable et obtienne un financement d'une manière satisfaisante pour lui. En outre, la lettre d'intention autorisait explicitement Sevo à la résilier par avis écrit s'il n'était « [traduction] pas satisfait de [sa] vérification au préalable pour quelque raison que ce soit », mais précisait qu'une telle résiliation n'aurait pas d'incidence sur la responsabilité d'une partie en cas de non-respect de toute disposition contraignante (y compris la vérification au préalable et l'accès en vue de la réalisation d'une telle vérification). En outre, la lettre d'intention prévoyait que certaines de ses dispositions demeureraient en vigueur malgré sa résiliation, comme celles relatives à la confidentialité, aux annonces publiques et à la responsabilité de chaque partie pour les dépenses engagées dans le cadre des opérations liées à la lettre d'intention.
Les deux parties ont travaillé à la finalisation de la vente. Cependant, les négociations avec le propriétaire concernant le bail de la clinique se sont enlisées, ce qui a entraîné plusieurs reports de la date de clôture d'avril à août 2017. Au cours de cette période, le directeur de la clinique d'Emon a démissionné et Sevo a appris que le comptable prendrait sa retraite après la clôture. Peu après, Sevo a mis fin à la transaction par l'intermédiaire de son avocat, et Emon a intenté une action contre lui en invoquant un manquement à son obligation d'agir de bonne foi dans l'exécution des dispositions discrétionnaires de la lettre d'intention et dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de mettre fin à la transaction.
Le traitement par la Cour de la question de la bonne foi
L'honorable juge Horvat a présidé le procès et a conclu qu'il n'y avait pas eu de manquement à quelque obligation d'agir de bonne foi que ce soit de la part de Sevo. Il est important de faire observer que la Cour a reconnu que la lettre d'intention n'engageait les parties à réaliser la transaction que si toutes les conditions étaient remplies, soit « [traduction] sauf dans les cas expressément prévus aux présentes ». La décision ne précisait toutefois pas quelles parties de la lettre d'intention étaient, le cas échéant, contraignantes.
La Cour s'est penchée sur trois droits prévus dans la lettre d'intention qui avaient trait à l'obligation de bonne foi : 1) la négociation d'un bail satisfaisant; 2) la satisfaction à l'égard du résultat de l'enquête de vérification au préalable et 3) la résiliation de la transaction. Dans l'exercice de ces droits, a) l'obligation d'exécution honnête, b) l'exécution de bonne foi et c) et l'usage raisonnable du pouvoir discrétionnaire ont toutes trouvé application. En estimant que ces obligations n'avaient pas été enfreintes, la Cour a souligné le libellé d'ordre général de la lettre d'intention et les mesures prises par Sevo pour conclure la transaction avant d'y mettre fin.
La Cour a rejeté l'argument selon lequel Sevo, en tant qu'acheteur, avait retardé la clôture en retenant les services d'un consultant en location. Selon la lettre d'intention, Sevo était libre de négocier un bail selon des modalités satisfaisantes pour lui, et s'est engagé activement dans des négociations pendant quatre mois à cette fin. La rétention des services d'un professionnel, à ses propres frais, permettait de conclure qu'il avait respecté l'obligation d'exécution de bonne foi. N'ayant pas réussi à se mettre d'accord sur les modalités du bail, il était raisonnable pour Sevo de mettre fin à la transaction.
De même, après avoir appris le départ imminent de deux employés clés, Sevo a estimé qu'il n'achetait plus un cabinet « clé en main » comme le prévoyait la lettre d'intention. Il était également raisonnable pour Sevo de mettre fin à la transaction pour cette raison. La Cour a estimé que, dans les deux cas, Sevo n'avait pris aucune mesure pour induire activement Emon en erreur sur ses intentions avant d'envoyer l'avis de résiliation.
Points clés à retenir
L'application de l'obligation d'agir de bonne foi à une lettre d'intention partiellement contraignante est une question nouvelle. Même si la Cour n'a pas conclu au non-respect d'une telle obligation dans l'affaire Emon, sa décision de considérer la lettre d'intention comme susceptible de donner naissance à plusieurs facettes de l'obligation d'agir de bonne foi laisse la porte ouverte à des plaintes analogues à l'avenir. Lorsqu'une lettre d'intention contient au moins quelques dispositions contraignantes, celles-ci peuvent donner naissance à une obligation d'agir de bonne foi au cours des négociations préalables à la clôture qui ont lieu dans le cadre de la lettre d'intention, ou lors de la résiliation de celle-ci.
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